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Conférence de Serge Bouchard

À la source de la motivation : la passion

Pour l'anthropologue Serge Bouchard, la pédagogie est la transmission de la passion.
Pour l'anthropologue Serge Bouchard, la pédagogie est la transmission de la passion.
Photo : Michel Caron

10 avril 2008

Rachel Hébert

Le Mois de la pédagogie universitaire a été lancé de belle façon avec la conférence de l'anthropologue Serge Bouchard qui s'intitulait Le bon élève : réflexion sur la motivation et l'engagement aux études, le 2 avril au Carrefour de l'information. Pour l'animateur à la Première Chaîne de Radio-Canada, la motivation est tout d'abord une question de passion, et cette passion nécessite qu'on lui consacre du temps.

Serge Bouchard a débuté sa conférence en avouant que c'est en étudiant à l'Université de Sherbrooke, dans les années 60, qu'il a fini par découvrir qu'il était un bon élève, après avoir été étiqueté comme mauvais élève et même inapte aux études dès le primaire. Selon lui, il faut tout simplement réunir les conditions de départ pour que l'étudiant soit motivé et mette les efforts pour apprendre.

Le thème de la conférence amène quatre questions insolubles : Qu'est-ce qu'un bon ou un mauvais élève? Qu'est-ce qu'un maître? Qu'est-ce que l'engagement? Qu'est-ce que la motivation? «Je ne vais pas jeter de lumière sur ces questions, je crois que vous allez plutôt partir plus mêlés que vous ne l'étiez au début, a lancé à la blague le conférencier. Mais je crois qu'il est tout de même important de revenir sur ces principes élémentaires.»

L'un de ces principes est que nous apprenons tout au long de notre vie. «Tout ce qu'on fait peut devenir intéressant. Cependant, ce n'est pas tant ce qu'on va faire qui est important, mais ce qu'on va être, affirme Serge Bouchard. Et toute la pédagogie fait référence à l'être, et non pas à la fonction. On retrouve donc la question de sens, et c'est là que ça devient compliqué.»

La passion au cœur de la relation d'apprentissage

Selon l'anthropologue, cette quête de sens est animée par notre rapport au monde. «Il y a des choses sur lesquelles nous nous rejoignons comme êtres humains, et c'est ça, le cœur de l'éducation et de la relation maître-élève : la passion, l'amour et la sensibilité, dit-il. Il n'est pas de relation pédagogique si on ne réussit pas à établir un contact entre nous qui développe la reconnaissance d'un espace passionnant qu'on va devoir parcourir ensemble.»

Mais qu'est-ce qui anime la passion? Là réside la difficulté, admet Serge Bouchard, qui reconnaît que le fait qu'une personne soit passionnée par la dentisterie tandis qu'une autre le soit par le droit relève du mystère. Quoi qu'il en soit, c'est cette passion qui permettra à un élève d'apprendre, qu'il soit considéré comme mauvais ou bon au départ, puisqu'il voudra y mettre les efforts. «Quand un être humain veut, il n'y a rien qui peut l'arrêter», affirme le conférencier. Le rôle du professeur consiste donc à stimuler l'intérêt de l'étudiant.

Apprendre, ça demande du temps

L'apprentissage exige donc un investissement. «L'apprentissage est un processus continu, explique Serge Bouchard. On devient ce qu'on est. Et devenir, ça demande du temps.» Il déplore le fait que de nos jours, on ne met plus le temps pour bien faire les choses : «Plutôt que de lire un livre de Blaise Pascal, on va plutôt aller sur Internet pour avoir un résumé en trois paragraphes. Nous sommes devenus une société de citation, de ligne, de clip.»

Serge Bouchard conseille aux jeunes d'étudier dans un domaine qui les passionnera. «Nous ne sommes pas des êtres fonctionnels, précise-t-il. L'absence de sens tue l'individu.» Il croit également que le professeur doit lui aussi être animé de cette passion : «Faire enseigner par quelqu'un qui n'aime pas sa matière, c'est grave!» Il considère d'ailleurs que passion rime souvent avec compétence. Il préfère faire affaire avec un passionné : «Si t'es plombier et que tu n'aimes pas les tuyaux, t'as un problème.»

Le conférencier résume ainsi la pédagogie : c'est la transmission de la passion. Et pour un chemin indéterminé à parcourir. «La condition de l'insécurité du cheminement, ça vous fait une vie intéressante, dit-il. On ne sait jamais ce qui va arriver. Apprendre, c'est passionnant.» Selon lui, ce n'est pas parce qu'on a un diplôme que l'apprentissage est terminé : «Un diplôme, c'est seulement un permis pour décoller dans un champ encore inconnu.»

Comme promis, Serge Bouchard n'a pas offert de réponse à la question de la motivation aux études : «Il n'y a pas de solution, car nous sommes dans le domaine du plus profond de la sensibilité humaine. Avoir les yeux ouverts, aimer la vie, aimer ce qu'on fait, aimer apprendre, comment peut-on communiquer tout ça? Il faut commencer par valoriser le savoir, le contenu.»

Mois de la pédagogie universitaire

Le Mois de la pédagogie universitaire est organisé par le Service de soutien à la formation en collaboration avec les vice-rectorats aux études. La communauté universitaire est invitée à participer aux différentes activités (voir la programmation en page 12). Ces présentations, conférences et colloques sont autant d'occasions de parler de pédagogie, d'échanger des idées et des pratiques novatrices en plus de poursuivre la réflexion critique sur les meilleures manières de continuer à offrir collectivement une formation universitaire de qualité.